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QUAND CHAIR DE POULE MÉPRISAIT LES FANS DE COMICS...

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Chair de Poule est une licence mythique pour beaucoup de lecteurs passionnés d’horreur, mais vous souvenez-vous de la fois où la série de livres de R.L. Stine s’est attaquée aux fans de super-héros ? Aujourd'hui, on parle de L’Attaque du Mutant !

Dans les années 1990, avant que Harry Potter ne devienne un phénomène convertissant par dizaines les gamins à la lecture, Chair de Poule, de l’Américain Robert Lawrence Stine, a profondément marqué toute une génération de lecteurs en culottes courtes. Il faut dire que l'auteur n'en est pas à son coup d'essai, puisqu'il est déjà l'homme derrière Fear Street, une collection de livres pour ados dont les récits sont plus gores et violents que ce qu’il proposera par la suite. Débutée en 1992 aux États-Unis, Goosebumps, traduit littéralement en Chair de Poule chez nous, est une série littéraire aux thématiques horrifiques visant un jeune public, à partir de neuf ans. La version française arrive dès 1995 dans les librairies, et le succès est immédiatement au rendez-vous. Pantins maléfiques, loups-garous, masques hantés, créatures cachées dans les placards et sous l’évier, la galerie de monstres plus ou moins originaux peuplant les romans de R.L. Stine a sans doute traumatisé certains et certaines d'entre vous. Si vous faites partie de celles et ceux qui ont grandi avec Chair de Poule, vous vous souvenez sûrement de son adaptation télévisée. Diffusée à partir de la rentrée 1997 sur France 2, elle compte en tout quatre saisons, pour un total de soixante-quatorze épisodes, adaptant plus ou moins fidèlement les ouvrages de Stine. L’arrivé de Chair de Poule dans l’Hexagone concorde avec un certain emballement médiatique et commercial autour de la fête d’Halloween ; cette fameuse fête américaine, qui en fait, paraît-il, n’est pas vraiment d’origine américaine, mais nous, “on est français, on va quand même pas fêter ça”, comme dirait ton vieux tonton alcoolisé ; qui s’accompagne d’un accroissement du nombre d’émissions spéciales gentiment effrayantes destinées aux mioches, dont je faisais partie. Car, me situant pile-poil dans la tranche d’âge visée par la licence à l’époque, et déjà très friand de films d’horreur et de monstres en tout genre, j’ai dévoré une bonne partie des livres et religieusement suivi la diffusion de chaque épisode en rentrant de l’école. Mais l’une des histoires de Chair de Poule allait tout particulièrement faire écho pour le jeune lecteur que j’étais.

S’il y a bien un sujet dont les fans de comics aiment entendre parler, encore plus que des comic books, c’est d’eux-mêmes. Leur propre condition les passionne et la façon dont elle peut être représentée, tant dans les médias que dans la fiction, est une source infinie de débats plus ou moins constructifs. Et je dois vous avouer que j’échappe rarement à cette règle. Alors que la fin du XXe siècle approchait, le jeune lecteur de comics que j’étais, éperdument fasciné par les aventures de Wolverine ou des Fantastic Four, ne manquait jamais le moindre sujet traitant de sa passion, même s’il s’agissait d’un reportage de quelques minutes à la télévision. Cela impliquait aussi chez moi un grand intérêt pour tout contenu un tant soit peu méta, abordant de façon plus ou moins sérieuse la thématique super-héroïque et mettant en scène des personnages ou des situations tournant autour des comics et de leur contenu. Remettons-nous dans le contexte : nous sommes avant l’an 2000, la majeure partie des blockbusters adaptés de comic books n’en étaient qu’à l’état de projet et internet était encore loin d’être arrivé dans tous les foyers. Ainsi, tout ce qui pouvait avoir à voir de près ou de loin avec les comics était bon à prendre et, de toute évidence, L’Attaque du Mutant était une histoire faite pour moi.

Publié en 1994 aux États-Unis et en 1996 en France, L’Attaque du Mutant, ou Attack of the Mutant dans sa version originale, est le vingt-cinquième livre de la série de R.L. Stine. On y découvre Skipper, un gamin d’une dizaine d’année, grand amateur de comics. Plutôt paresseux quand il s’agit d’étudier à l’école, au grand désespoir de ses parents, Skipper est tout particulièrement fan du plus terrible des super-vilains : le Mutant Masqué, un dangereux métamorphe pouvant aussi bien imiter les individus que les objets. Collectionneur méticuleux, Skipper ne rate aucun numéro des méfaits du Mutant. Le dernier en date a une portée historique, car on y découvre pour la première fois le quartier général du malfaiteur surhumain. Alors qu’il prend le bus pour se rendre chez le dentiste, Skipper entame une conversation avec Libby, une jeune fille de son âge qui semble très intéressée par les bandes dessinées. Bien que leurs goûts diffèrent sur certains points, notamment la passion de Skipper pour le Mutant Masqué, les deux pré-ados sympathisent, si bien que Skipper rate son arrêt. Descendant dans un quartier qu’il connaît mal, Skipper fait soudain face à un immeuble bien étrange, copie conforme du repère secret du Mutant ! Obnubilé par cette découverte, il va revenir explorer les lieux en compagnie de Libby, pensant dans un premier temps que le créateur du Mutant ; Jimmy Starenko, référence évidente à l’artiste Jim Steranko ; avait pu s’inspirer de ce bâtiment pour sa BD, et même qu’il travaillait peut-être dans ces locaux, y dessinant ses planches des aventures du Mutant Masqué.

Mais, quand il reçoit un nouveau numéro du Mutant Masqué dans lequel il apparaît en personne, Skipper commence à douter. Où se situe la frontière entre la fiction et la réalité ? Le Mutant Masqué est-il réel ? Et, si oui, doit-il venir en aide au héros Galloping Gazel, un justicier doté d’une hyper-vitesse retenu prisonnier au QG du Mutant ? Prenant son courage à deux mains, Skipper part affronter le super-vilain, et découvre finalement que Libby et lui ne font qu’un ! Le Mutant, en quête d’un nouvel adversaire, a décidé qu’un fan aussi pointu que Skipper était une proie idéale. Le jeune garçon apprend qu’en passant la porte du bâtiment, il est instantanément devenu un personnage de comic book et il va finalement profiter de ce nouveau statut pour piéger le Mutant Masqué et en venir à bout. L’histoire se conclut sur une fin ouverte typique des récits d’épouvante, laissant entendre que Skipper est peut-être vraiment devenu un super-héros : Elastic Boy.

Peut-être plus que le roman, c’est surtout la version télévisée qui m’a marqué à l’époque. Ayant les honneurs d’un double épisode au cours de la deuxième saison de la série télé Chair de Poule, L’Attaque du Mutant avait totalement séduit le petit fan de comics que j’étais déjà. Pourtant, aujourd’hui, avec un peu de recul, le roman et son adaptation sont surtout une série de clichés un peu lourds autour de la bande dessinée américaine de super-héros. Bien que l’on ne puisse pas vraiment attribuer à R.L. Stine un discours orienté quant aux comic books ; l’auteur n’ayant visiblement ni l’objectif de les dénigrer, ni celui de les défendre ; la galerie de personnages de L’Attaque du Mutant est une collection de stéréotypes comme on oserait plus en faire.

Skipper est une véritable caricature : gamin bedonnant au physique disgracieux et au ton assez insupportable, il prend de haut quiconque critique ses BD préférées et est donc ostracisé par les autres enfants. Ses résultats scolaires sont médiocres, sans doute car sa passion passe avant les études, et ses parents ne se privent pas de lui rappeler que les comics sont des lectures abrutissantes qui vont lui faire rater sa vie. Notre héros tombe donc sans aucun problème dans le guet-apens tendu par le super-vilain, qui profite de sa crédulité et de son manque de relations sociales pour l’attirer en prenant les traits d’une femme fatale de dix ans. Le Mutant Masqué est l’archétype même du criminel diabolique dont la seule motivation est de faire le mal sans aucune raison particulière, et son adversaire Galloping Gazelle, interprété par Adam West, alias Batman dans la série TV de 1966, est clairement un imbécile incapable du moindre acte de bravoure rationnel. Pourtant, il est difficile de savoir si Stine se moque réellement des fans de super-héros et de leurs idoles, ou s’il en profite seulement pour user et abuser des clichés qui entourent le médium en grossissant le trait au maximum, peut-être pour mieux souligner leur absurdité. Et puis, à titre tout à fait personnel, je dois admettre que je me reconnaissais un peu dans Skipper, ce gamin pas très populaire qui emmerdait absolument tout le monde avec sa passion imbitable et à la limite de l’ésotérisme pour le commun des mortels…

Quoi qu’il en soit, malgré le fait que R.L. Stine considère L’Attaque du Mutant comme l’un des livres les plus surprenants de la série Chair de Poule, il est aussi l’un des moins appréciés du public, sans doute car assez éloigné du reste des romans. Son univers, tournant autour des comics, ne parle pas forcément aux gamins qui n’en sont pas connaisseurs et ses personnages aux costumes bariolés sont bien loin des figures horrifiques classiques telles que les momies ou les loups-garous. Mais cette histoire conserve pourtant quelques qualités tout à fait remarquables, comme celle de jouer très intelligemment avec la frontière entre l’imaginaire et réalité en ménageant brillamment le suspense, ou d’initier mine de rien les plus jeunes au méta et à la façon dont une fiction peut traiter d’elle-même et des œuvres qui l’inspirent. On notera que L’Attaque du Mutant a été adaptée en jeu vidéo en 1997. Un produit dérivé assez exotique qui résume parfaitement le phénomène culturel Chair de Poule.

Si Chair de Poule jouit encore d’un succès certain aujourd’hui ; en témoigne une nouvelle adaptation sur Disney+, mais également des comics, parus chez IDW aux États-Unis ; l’œuvre de R.L. Stine est surtout une magnifique démonstration de la façon dont les codes de l’horreur, genre habituellement réservé aux adultes, peuvent être inculqués aux enfants. Loin des paniques morales et des ligues de parents en colère, il faut se rappeler que les êtres humains que nous sommes aiment se faire peur et que les enfants n’échappent pas à cette règle. Pour peu qu’ils soient accompagnés et guidés dans leurs découvertes, plutôt que d’être éduqués à craindre et à rejeter ce que leurs parents ne peuvent pas ou ne veulent pas comprendre, il n’y a aucune raison de ne pas les laisser frissonner de temps en temps. Il en va de même pour la bande dessinée, n’en déplaise aux géniteurs de Skipper, qui n’est en aucun cas la lecture abêtissante que certains combattent encore, plutôt que de l’intégrer comme une culture à part entière aux programmes scolaires. Et puis, avoir quelques bases en comics de super-héros, ça pourrait vous servir, le jour où vous oublierez de descendre du bus…

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Dans les années 1990, avant que Harry Potter ne devienne un phénomène convertissant par dizaines les gamins à la lecture, Chair de Poule, de l’Américain Robert Lawrence Stine, a profondément marqué toute une génération de lecteurs en culottes courtes. Il faut dire que l'auteur n'en est pas à son coup d'essai, puisqu'il est déjà l'homme derrière Fear Street, une collection de livres pour ados dont les récits sont plus gores et violents que ce qu’il proposera par la suite. Débutée en 1992 aux États-Unis, Goosebumps, traduit littéralement en Chair de Poule chez nous, est une série littéraire aux thématiques horrifiques visant un jeune public, à partir de neuf ans. La version française arrive dès 1995 dans les librairies, et le succès est immédiatement au rendez-vous. Pantins maléfiques, loups-garous, masques hantés, créatures cachées dans les placards et sous l’évier, la galerie de monstres plus ou moins originaux peuplant les romans de R.L. Stine a sans doute traumatisé certains et certaines d'entre vous. Si vous faites partie de celles et ceux qui ont grandi avec Chair de Poule, vous vous souvenez sûrement de son adaptation télévisée. Diffusée à partir de la rentrée 1997 sur France 2, elle compte en tout quatre saisons, pour un total de soixante-quatorze épisodes, adaptant plus ou moins fidèlement les ouvrages de Stine. L’arrivé de Chair de Poule dans l’Hexagone concorde avec un certain emballement médiatique et commercial autour de la fête d’Halloween ; cette fameuse fête américaine, qui en fait, paraît-il, n’est pas vraiment d’origine américaine, mais nous, “on est français, on va quand même pas fêter ça”, comme dirait ton vieux tonton alcoolisé ; qui s’accompagne d’un accroissement du nombre d’émissions spéciales gentiment effrayantes destinées aux mioches, dont je faisais partie. Car, me situant pile-poil dans la tranche d’âge visée par la licence à l’époque, et déjà très friand de films d’horreur et de monstres en tout genre, j’ai dévoré une bonne partie des livres et religieusement suivi la diffusion de chaque épisode en rentrant de l’école. Mais l’une des histoires de Chair de Poule allait tout particulièrement faire écho pour le jeune lecteur que j’étais.

S’il y a bien un sujet dont les fans de comics aiment entendre parler, encore plus que des comic books, c’est d’eux-mêmes. Leur propre condition les passionne et la façon dont elle peut être représentée, tant dans les médias que dans la fiction, est une source infinie de débats plus ou moins constructifs. Et je dois vous avouer que j’échappe rarement à cette règle. Alors que la fin du XXe siècle approchait, le jeune lecteur de comics que j’étais, éperdument fasciné par les aventures de Wolverine ou des Fantastic Four, ne manquait jamais le moindre sujet traitant de sa passion, même s’il s’agissait d’un reportage de quelques minutes à la télévision. Cela impliquait aussi chez moi un grand intérêt pour tout contenu un tant soit peu méta, abordant de façon plus ou moins sérieuse la thématique super-héroïque et mettant en scène des personnages ou des situations tournant autour des comics et de leur contenu. Remettons-nous dans le contexte : nous sommes avant l’an 2000, la majeure partie des blockbusters adaptés de comic books n’en étaient qu’à l’état de projet et internet était encore loin d’être arrivé dans tous les foyers. Ainsi, tout ce qui pouvait avoir à voir de près ou de loin avec les comics était bon à prendre et, de toute évidence, L’Attaque du Mutant était une histoire faite pour moi.

Publié en 1994 aux États-Unis et en 1996 en France, L’Attaque du Mutant, ou Attack of the Mutant dans sa version originale, est le vingt-cinquième livre de la série de R.L. Stine. On y découvre Skipper, un gamin d’une dizaine d’année, grand amateur de comics. Plutôt paresseux quand il s’agit d’étudier à l’école, au grand désespoir de ses parents, Skipper est tout particulièrement fan du plus terrible des super-vilains : le Mutant Masqué, un dangereux métamorphe pouvant aussi bien imiter les individus que les objets. Collectionneur méticuleux, Skipper ne rate aucun numéro des méfaits du Mutant. Le dernier en date a une portée historique, car on y découvre pour la première fois le quartier général du malfaiteur surhumain. Alors qu’il prend le bus pour se rendre chez le dentiste, Skipper entame une conversation avec Libby, une jeune fille de son âge qui semble très intéressée par les bandes dessinées. Bien que leurs goûts diffèrent sur certains points, notamment la passion de Skipper pour le Mutant Masqué, les deux pré-ados sympathisent, si bien que Skipper rate son arrêt. Descendant dans un quartier qu’il connaît mal, Skipper fait soudain face à un immeuble bien étrange, copie conforme du repère secret du Mutant ! Obnubilé par cette découverte, il va revenir explorer les lieux en compagnie de Libby, pensant dans un premier temps que le créateur du Mutant ; Jimmy Starenko, référence évidente à l’artiste Jim Steranko ; avait pu s’inspirer de ce bâtiment pour sa BD, et même qu’il travaillait peut-être dans ces locaux, y dessinant ses planches des aventures du Mutant Masqué.

Mais, quand il reçoit un nouveau numéro du Mutant Masqué dans lequel il apparaît en personne, Skipper commence à douter. Où se situe la frontière entre la fiction et la réalité ? Le Mutant Masqué est-il réel ? Et, si oui, doit-il venir en aide au héros Galloping Gazel, un justicier doté d’une hyper-vitesse retenu prisonnier au QG du Mutant ? Prenant son courage à deux mains, Skipper part affronter le super-vilain, et découvre finalement que Libby et lui ne font qu’un ! Le Mutant, en quête d’un nouvel adversaire, a décidé qu’un fan aussi pointu que Skipper était une proie idéale. Le jeune garçon apprend qu’en passant la porte du bâtiment, il est instantanément devenu un personnage de comic book et il va finalement profiter de ce nouveau statut pour piéger le Mutant Masqué et en venir à bout. L’histoire se conclut sur une fin ouverte typique des récits d’épouvante, laissant entendre que Skipper est peut-être vraiment devenu un super-héros : Elastic Boy.

Peut-être plus que le roman, c’est surtout la version télévisée qui m’a marqué à l’époque. Ayant les honneurs d’un double épisode au cours de la deuxième saison de la série télé Chair de Poule, L’Attaque du Mutant avait totalement séduit le petit fan de comics que j’étais déjà. Pourtant, aujourd’hui, avec un peu de recul, le roman et son adaptation sont surtout une série de clichés un peu lourds autour de la bande dessinée américaine de super-héros. Bien que l’on ne puisse pas vraiment attribuer à R.L. Stine un discours orienté quant aux comic books ; l’auteur n’ayant visiblement ni l’objectif de les dénigrer, ni celui de les défendre ; la galerie de personnages de L’Attaque du Mutant est une collection de stéréotypes comme on oserait plus en faire.

Skipper est une véritable caricature : gamin bedonnant au physique disgracieux et au ton assez insupportable, il prend de haut quiconque critique ses BD préférées et est donc ostracisé par les autres enfants. Ses résultats scolaires sont médiocres, sans doute car sa passion passe avant les études, et ses parents ne se privent pas de lui rappeler que les comics sont des lectures abrutissantes qui vont lui faire rater sa vie. Notre héros tombe donc sans aucun problème dans le guet-apens tendu par le super-vilain, qui profite de sa crédulité et de son manque de relations sociales pour l’attirer en prenant les traits d’une femme fatale de dix ans. Le Mutant Masqué est l’archétype même du criminel diabolique dont la seule motivation est de faire le mal sans aucune raison particulière, et son adversaire Galloping Gazelle, interprété par Adam West, alias Batman dans la série TV de 1966, est clairement un imbécile incapable du moindre acte de bravoure rationnel. Pourtant, il est difficile de savoir si Stine se moque réellement des fans de super-héros et de leurs idoles, ou s’il en profite seulement pour user et abuser des clichés qui entourent le médium en grossissant le trait au maximum, peut-être pour mieux souligner leur absurdité. Et puis, à titre tout à fait personnel, je dois admettre que je me reconnaissais un peu dans Skipper, ce gamin pas très populaire qui emmerdait absolument tout le monde avec sa passion imbitable et à la limite de l’ésotérisme pour le commun des mortels…

Quoi qu’il en soit, malgré le fait que R.L. Stine considère L’Attaque du Mutant comme l’un des livres les plus surprenants de la série Chair de Poule, il est aussi l’un des moins appréciés du public, sans doute car assez éloigné du reste des romans. Son univers, tournant autour des comics, ne parle pas forcément aux gamins qui n’en sont pas connaisseurs et ses personnages aux costumes bariolés sont bien loin des figures horrifiques classiques telles que les momies ou les loups-garous. Mais cette histoire conserve pourtant quelques qualités tout à fait remarquables, comme celle de jouer très intelligemment avec la frontière entre l’imaginaire et réalité en ménageant brillamment le suspense, ou d’initier mine de rien les plus jeunes au méta et à la façon dont une fiction peut traiter d’elle-même et des œuvres qui l’inspirent. On notera que L’Attaque du Mutant a été adaptée en jeu vidéo en 1997. Un produit dérivé assez exotique qui résume parfaitement le phénomène culturel Chair de Poule.

Si Chair de Poule jouit encore d’un succès certain aujourd’hui ; en témoigne une nouvelle adaptation sur Disney+, mais également des comics, parus chez IDW aux États-Unis ; l’œuvre de R.L. Stine est surtout une magnifique démonstration de la façon dont les codes de l’horreur, genre habituellement réservé aux adultes, peuvent être inculqués aux enfants. Loin des paniques morales et des ligues de parents en colère, il faut se rappeler que les êtres humains que nous sommes aiment se faire peur et que les enfants n’échappent pas à cette règle. Pour peu qu’ils soient accompagnés et guidés dans leurs découvertes, plutôt que d’être éduqués à craindre et à rejeter ce que leurs parents ne peuvent pas ou ne veulent pas comprendre, il n’y a aucune raison de ne pas les laisser frissonner de temps en temps. Il en va de même pour la bande dessinée, n’en déplaise aux géniteurs de Skipper, qui n’est en aucun cas la lecture abêtissante que certains combattent encore, plutôt que de l’intégrer comme une culture à part entière aux programmes scolaires. Et puis, avoir quelques bases en comics de super-héros, ça pourrait vous servir, le jour où vous oublierez de descendre du bus…

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