#77 Max Rousseau et Vincent Béal · Territoires en déclin
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Mettons de premières lunettes, un peu lugubres. Que voyez vous ? Une grande rue aux façades décrépies, des panneaux “à vendre” sur les vitrines, des feuilles mortes soulevées par une légère brise, et partout, des bâtiments abandonnés. Les enfants sont partis, il ne reste plus que quelques personnes errantes dans ces rues tristes et grises, qui pourtant, il y a longtemps, ont du être resplendissantes.
Mettons maintenant une autre paire de lunettes, aux verres teintés de vert. Que voyez vous ? Des jardins potagers luxuriants, quoiqu’un peu en bazar, des tentatives low-tech d’éoliennes individuelles, des espaces en friche où la nature a repris ses droits. Et ça et là, des jeunes et des moins jeunes qui bavardent sur la nouvelle place du village, une ancienne usine réaffectée en lieu de vie commun et solidaire.
De multiples imaginaires prolifèrent sur les villes en déclin. Certain·es y voient la plus grande des décadences, notamment démographique, qui telle l’épée de Damoclès définit la réussite ou non du mandat du maire. D’autres y projettent la naissance d’une nouvelle société, plus sobre et plus locale, prenant racine dans des solidarités entre voisin·es.
C’est pour sortir de ces images toutes faites de l’effondrement ou de la post-croissance que Max Rousseau et Vincent Béal sont allés arpenter les rues de Cleveland, aux Etats-Unis. Une “ville ordinaire”, comme ils disent, permettant de prendre du recul et de monter en généralité, loin du parc d’attraction des décroissants qu’est peut-être devenue Detroit.
Car il ne faut pas s’y tromper, l’agriculture urbaine luxuriante de Cleveland est une agriculture de subsistance, bien éloignée de nos jardins d’écolo-bobo et de leurs petites tomates bio. Ici, des populations racisées n’ont plus accès au moindre commerce, ou alors bien trop loin de chez elles, ou bien trop chers. Si l’agriculture urbaine peut parfois être utilisée dans un objectif d’attractivité, elle peut aussi être synonyme de survie. En parcourant leur ouvrage, Plus vite que le coeur d’un mortel, on y comprend à quel point des politiques de décroissance peuvent parfois être socialement injustes et racistes.
Les auteurs appellent à des politiques de décroissances planifiées et pensées à travers les ressources internes du territoire. Des stratégies qui seraient tournées vers les besoins de la population déjà là, encore là, et qui prennent appui sur les liens de solidarité qui se créent, malgré tout. Une enquête qui montrent des expérimentations riches, ambiguës, parfois ratées, faites d’ordinaire et de débrouille.
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Pour aller plus loin :
- Plus vite que le coeur d’un mortel. Désurbanisation et résistances dans l’Amérique abandonnée, Vincent Béal et Max Rousseau, éditions Grevis (2021)
- Déclin urbain. La France dans une perspective internationale, Vincent Béal, Nicolas Cauchi-Duval et Max Rousseau, éditions du croquant (2022)
- Sous les pavés la terre, Agricultures urbaines et résistances dans les métropoles, Flamina Paddeu, éditions Seuil (2021)
- Hinterland. Nouveau paysage de classe et de conflit aux Etats-Unis, éditions Grevis (2022)
- Detropia, documentaire réalisé par Heidi Ewing et Rachel Grady (2012)
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